Histoire

Situé à mi-chemin entre Montréal et la frontière des États-Unis, le territoire de Saint-Jacques-le-Mineur est remarquable par son horizontalité. Implanté au fond de ce qui fut la mer de Champlain – une vaste étendue d’eau créée par la fonte des glaciers et disparue il y a 8 000 ans – Saint-Jacques profite d’un sol fertile très favorable à l’agriculture.

Même si, dans l’ensemble, la région est plane, on note quand même quelques ondulations et une certaine pente ascendante dans la direction des États du Vermont et de New York. C’est que Saint-Jacques se trouve sur les premiers contreforts des Appalaches, cette longue et très ancienne chaine de montagnes qui couvre la Gaspésie et une bonne partie méridionale du Québec avant de descendre très au sud aux États-Unis.

Pendant fort longtemps, la région, couverte de forêts, n’aura été qu’un lieu de passage pour les convois amérindiens qui utilisaient un sentier naturel reliant ce qui allait devenir New York à l’actuelle ville de Laprairie. Ce passage, protégé des inondations en presque toute saison, se trouvait alors où passent aujourd’hui le boulevard Édouard VII et le rang Saint-André plus au sud.

Les choses vont changer au début des années 1820. À ce moment-là, le riche marchand de Laprairie et député de Huntingdon, Jean-Baptiste Raymond donne à sa fille, Marie-Flavie, des terres qu’il a acquises dans la seigneurie de Léry et dans celle de Laprairie de la Magdeleine. Dotée de la même fibre entrepreneuriale que son père, Marie-Flavie entreprend, dès 1823, de vendre des « lots villageois » afin de créer une petite agglomération.

Sans être elle-même seigneuresse, Marie-Flavie concède alors ses lots à la mode seigneuriale. La plupart du temps, elle fait signer des contrats d’achat qui privilégient les paiements à terme plutôt que le règlement immédiat du montant total de l’acquisition, s’assurant ainsi de revenus à long terme. Il faut comprendre que les lots villageois sont à l’époque énormément plus lucratifs que les terres agricoles.

Dans ce qui va devenir Saint-Jacques, elle concède 63 lots avec obligation pour les acquéreurs de construire une maison et de clôturer leur terrain dans les 2 ans de la prise de possession. La plupart d’entre eux viennent de Laprairie, quelques-uns de Saint-Philippe, de Saint-Cyprien et de L’Acadie. Marie-Flavie n’impose aucune obligation concernant l’entretien des chemins et rues, ce qui convient parfaitement aux acheteurs de l’époque qui sont particulièrement allergiques aux taxes et impôts.

Leur aversion pour tout ce qui s’appelle « prélèvement » se manifeste dès l’érection canonique de Saint-Jacques en paroisse. Les paroissiens ont vite compris qu’on leur demandera de financer la construction d’une église et d’un presbytère. Ils combattent alors si âprement que la paroisse, pourtant érigée le 26 novembre 1834 par Mgr Signay, ne recevra son premier curé – François-Magloire Turcot – qu’en 1840. La construction de l’église pouvait alors débuter. Tout de pierre, elle était dotée de deux clochers abritant trois belles cloches. Le premier presbytère, lui aussi en pierre, se fera attendre jusqu’en 1858.

La paroisse choisit comme patron un apôtre du Christ, celui que l’on appelle Saint-Jacques-le-Mineur, qui, en fait, était un cousin du Christ puisque son père – Alphée – était le frère de Joseph, père de Jésus. Les évangiles nous apprennent qu’il fut le premier évêque de Jérusalem où il avait fait quelque bruit car, en plein Israël, il avait dispensé ses disciples de la circoncision…

En mars 1859, le célèbre curé Antoine Labelle sera nommé vicaire à Saint-Jacques, mais il n’y restera que quelques mois, car dès le mois de décembre suivant, il sera intronisé à la cure de la paroisse de Saint-Antoine-Abbé.

En 1876, Montréal reçoit son troisième évêque en la personne d’Édouard-Charles Fabre (1827-1896), qui succède à Ignace Bourget, lequel lui laisse un diocèse en pleine débandade économique. D’un tempérament plus comptable que son prédécesseur, il adopte une série de mesures draconiennes pour redresser la situation. Sans doute pour se délasser, il parcourt son diocèse et, à la fin des années 1880, il vient à Saint-Jacques, dont il admire l’église, son vaste parvis et le petit parc qui prolonge celui-ci.

Au cours d’une conversation, il laisse tomber que l’endroit mériterait l’installation d’une petite chapelle-reposoir. Son vœu se réalise en 1889 quand la petite construction sera installée. Sise sur un bout de terrain offert par un personnage marquant de l’histoire de Saint-Jacques – le docteur Théophile-Bénonie Guérin dit Lafontaine, la chapelle-reposoir sera non seulement citée comme bien patrimonial mais deviendra l’emblème du village.

Né à Saint-Jacques en 1845, Théophile-Bénonie Guérin reçoit sa formation médicale à l’Université Laval avant de revenir dans son village natal pour y exercer sa profession durant un demi-siècle. Un peu touche-à-tout, il co-fondera, en 1873, la première fromagerie du village, offrant ainsi de nouveaux débouchés aux agriculteurs des environs. S’intéressant également à la vie publique, il sera maire du village de 1881 à 1883 puis président de la commission scolaire de 1887 à 1889.

Le 18 juin 2017, sur demande de M. Ronald Poliquin, membre du conseil d’administration de la Société des XI et résident de Saint-Jacques, le Conseil de ville adoptera une résolution afin que le petit parc qui prolonge le parvis de l’église soit baptisé Place Dr Bénonie-Guérin. Une plaque commémorative est également inaugurée pour souligner l’événement.

À partir d’un texte de M. Pierre Couture , membre de la Société des XI

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